Les Etats-Unis d’Amérique ont vu le gap confortable qui les séparait de leurs concurrents High Tech se résorber. Voici comment Washington compte reprendre de l’avance.
High Tech : comment les Etats-Unis s’accrochent au peloton de tête ?
L’année dernière, le président américain Donald Trump a signé un nouveau décret sur l’intelligence artificielle, ordonnant aux agences fédérales de donner la priorité aux investissements, à la recherche et au développement en matière d’IA. Bien que les recommandations soient beaucoup trop modestes lorsque l’on voit ce que font des pays comme la Chine, le Japon ou encore l’Allemagne, le décret lance une approche bienvenue et plus ambitieuse pour renforcer l’écosystème de l’innovation aux États-Unis et préserver l’avantage technologique américain sur la Chine et d’autres pays. Cet article d’actualité vous est proposé par http://conference2014.fr/ dans le cadre de nos dossiers hors coronavirus.
Trouver le juste équilibre entre l’investissement étranger et la sécurité nationale
À une époque de concurrence stratégique croissante, les États-Unis doivent adopter des mesures visant à asseoir leur hégémonie technologique et à distancer la Chine, plutôt que de multiplier les mesures protectionnistes pour limiter les débouchés de l’Empire du Milieu. Si le fait de freiner l’ouverture de l’économie américaine peut être utile aux États-Unis dans une approche défensive, cette stratégie désavantage fortement le pays sur le long terme.
L’administration Trump devra manier un scalpel et non un marteau de forgeron, avec une politique nuancée et à multiples facettes qui protège les trois principaux piliers de l’écosystème de l’innovation, à savoir l’investissement, les talents et le financement, tout en imposant des restrictions raisonnables pour protéger la sécurité nationale des États-Unis si nécessaire. Le premier élément de l’écosystème américain de l’innovation soumis à ces duels d’intérêts reste l’investissement étranger dans les startups américaines.
En août de l’année dernière, M. Trump a signé la loi de modernisation de l’examen des risques liés aux investissements étrangers, élargissant la compétence du Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (qui examine les implications des investissements étrangers en matière de sécurité nationale) pour inclure certains investissements sans contrôle qui permettent aux investisseurs étrangers d’accéder à certains types de propriété intellectuelle sans la « mainmise » du gouvernement fédéral. Cette loi n’étend cependant pas la compétence du comité à des investissements plus modestes qui n’accordent pas de pouvoir décisionnel ou d’accès à des informations techniques sensibles.
La loi semble trouver le juste équilibre entre la protection des technologies critiques et la préservation de l’accès des États-Unis aux investissements directs étrangers dont le pays a grand besoin, et qui ont atteint 1 600 milliards de dollars dans les industries de haute technologie américaines en 2017. L’efficacité finale de la loi dépendra de la portée des règlements définitifs du département du Trésor, qui, s’ils sont élargis, pourraient involontairement miner la vitalité des entreprises américaines les plus innovantes.
Ecarter les pays concurrents de la chaîne d’approvisionnement technologique
Lorsque la sécurité nationale impose une réglementation, le gouvernement américain peut contribuer à stimuler la compétitivité des entreprises et à maintenir l’accès au financement en incitant les investisseurs américains à jouer le jeu. Le ministère de la Défense pourrait, par exemple, proposer des engagements d’achat, fournissant ainsi des revenus garantis pour attirer les investisseurs et aider à combler la période compliquée entre le prototypage et la production effective. Le gouvernement pourrait également contribuer à mettre en relation les fournisseurs de technologies et de ressources essentielles avec les capitaux du secteur privé.
Le ministère a déjà adopté ce rôle en engageant les deux communautés par le biais de l’Unité d’innovation de la défense, de l’Agence des projets de recherche avancée de la défense et d’autres canaux. Avec un environnement sain pour l’innovation, le pays attire des partenariats accrus avec le secteur privé qui pourraient aider le gouvernement à répondre aux nouveaux besoins technologiques et à écarter les adversaires des éléments critiques de la chaîne d’approvisionnement américaine.
Le deuxième élément de l’écosystème américain de l’innovation est la libre circulation des personnes. Les immigrants qualifiés ont catapulté les États-Unis au rang de leader technologique mondial : les immigrants ont fondé 52 % des nouvelles entreprises de la Silicon Valley entre 1995 et 2005. Les mesures récentes, telles que la décision prise par l’administration Trump en mai 2018 de réduire la durée des visas pour les étudiants chinois diplômés dans certains domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, pourraient à terme nuire à la compétitivité des États-Unis et trahir les valeurs du pays. Si l’intention de cette politique, qui est de mettre un frein au vol par la Chine de savoir-faire technologique américain sensible, est jugée « légitime », elle impose aux États-Unis de former la prochaine génération de leaders technologiques, ce qui suppose une refonte du système académique.