L’annonce est officielle : les français n’auront plus à payer la redevance télévisuelle à partir de l’année prochaine ! Cela représente la fin d’une époque, et la décision n’a pas été exemptée de débats houleux au sein de l’hémicycle. La décision à été votée à 170 voix pour et 53 voix contre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
Une mesure dans l’air du temps, mais déjà en débat depuis 2014, à l’époque où l’on voyait l’écrasante majorité des foyers français s’équiper de smartphones et de tablettes sur lesquelles ils peuvent lire des vidéos et jouer aux machines à sous en ligne.
Pourtant, cette démocratisation d’internet dans les foyers n’a que faiblement diminué le nombre des téléviseurs dans les foyers français, car 91 % d’entre nous en sont encore équipés en 2022, contre 98 % en 2012. Clarifions l’historique de cette mesure controversée ainsi que ces conséquences possibles.
La redevance télé, un impôt “daté”
En 2014, le président François Hollande avançait déjà l’idée de supprimer cette taxe, car le public consommait déjà beaucoup sur internet. L’idée de taxer les appareils mobiles avait alors fait surface avant d’être abandonnée. Créé en 1948, cet impôt concernait plus de 23 000 foyers fiscaux ainsi que 79 000 entreprises.
Cela faisait plusieurs années que les parlementaires étudiaient la possibilité de la suppression de la redevance télé, un impôt doté d’une forte portée historique. Les débats remis à plus tard en avaient fait un serpent de mer de l’Assemblée Nationale. Pour mémoire, la redevance télé s’élevait à 138 euros par mois pour la France métropolitaine, et de 88 € pour les départements et territoires d’Outre-Mer. Avec de tels chiffres, on atteignait chaque année plus de 3,2 milliards d’euros qui composaient en majeure partie le budget des télévisions publiques françaises. Une manne financière importante qui tombait tous les ans à la fin de l’automne et qui garantissait l’indépendance du service public ainsi que l’impartialité de l’information.
Les entreprises concernées par cette mesure choc sont nombreuses avec le groupe France Télévision en tête, le groupe Arte-France, la maison de la radio, RFI mais également l’INA, qui archive les émissions depuis sa création dans les années quatre-vingt.
La suppression de la redevance était également une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2022. Une promesse qu’il a pu tenir sous le gouvernement d’Elisabeth Borne qui indique que cette mesure est primordiale pour le pouvoir d’achat des français. On note aussi que les autres candidats à la présidentielle comme Marine Le Pen et Éric Zemmour étaient eux-même favorables à ce dispositif, allant jusqu’à envisager la privatisation du service public.
D’un point de vue technique, la redevance télévisuelle est un impôt compliqué à mettre en place et à collecter chaque année. Il est également étroitement lié à la taxe d’habitation qui va également disparaître dans les prochaines années. Dans ces conditions, le gouvernement persiste et signe.
Pour les grévistes, la fin d’un service public fort
La mesure comporte son lot de détracteurs qui appellent carrément au naufrage du service public. Il est vrai que la disparition d’un tel budget entraînera de facto la suppression de nombreuses émissions et d’emplois liés à la vie des chaînes. Il est encore trop tôt pour évaluer l’onde de choc, mais une manifestation des services publics français a marqué les esprits, lors que de nombreuses chaînes de télé et de radio ont cessé d’émettre durant
quelques heures.
La redevance télé représentait pour eux une garantie, celle d’avoir un budget qui tombait tous les ans afin d’assurer les salaires et le bon fonctionnement des émissions. Avec une telle mesure de suppression, les chaînes restent dans l’expectative et ne savent pas d’où viendra leur budget et surtout s’il viendra de façon régulière.
L’indépendance des médias est également en jeu, notamment à cause d’un manque de moyens qui ne permettrait plus de fournir une information claire et rigoureuse. Pour pallier ces craintes légitimes, le gouvernement a trouvé la parade, comme l’explique la nouvelle ministre de la culture Rima Abdul-Malak. Elle propose une “garantie” qui empêchera par exemple les éventuelles coupes budgétaires. Le budget des chaînes sera réévalué de façon pluriannuelle, ce qui permettra un suivi de leurs besoins.
Malgré cette réassurance, les professionnels de la télé et de la radio n’oublient pas les coups infligés par la politique en matière budgétaire, en se remémorant la suppression de la publicité édictée par le président Sarkozy en 2008 sur les chaînes France 2 et France 3. L’ancien président avait promis de rembourser le manque à gagner, ce qu’il n’a pas pu faire. Plus récemment, c’est sous la présidence Macron qu’on a vu une diminution des moyens du service public à hauteur de 200 millions d’euros. Une coupe qui a entraîné la suppression de
près d’un millier d’emplois dans les trois dernières années.
Qu’est-ce qui remplacera la redevance télévisuelle ?
En disant au revoir à 3,2 milliards d’euros, le gouvernement a proposé de retrouver cet argent dans une “fraction de la T.V.A”, c’est-à-dire une partie qui sera allouée au budget des grandes chaînes publiques. Une décision qui serait susceptible d’apporter plus de 3,7 milliards d’euros aux chaînes publiques françaises, soit un plus de 500 millions d’euros en plus.
Toutefois, on considère cette alternative avec suspicion, puisque ni le gouvernement ni le Parlement ne seront en mesure de garantir cette somme, notamment en cas de crise économique où l’argent viendrait à manquer. À l’heure actuelle, le gouvernement n’a pas encore donné de ligne directrice concrète pour mener à bien cette collecte.
Plus que la redevance télévisuelle, c’est le spectre d’une fusion qui inquiète les grands organes du service public qui n’imaginent pas que France Télévisions, l’INA, Radio France et France Média Mondes puissent se retrouver sous une seule bannière. Parmi les 16 000 employés concernés, une fusion représente une perte d’identité culturelle mais également la possibilité de licenciements en série.