Rémi Fraisse est décédé sur le site du barrage contesté de Sivens dans le Tarn le 26 octobre. Mardi, le ministre de l’intérieur a reçu un rapport de l’inspection des services. Que dit ce rapport. Explications. Extraits.
Bernard Cazeneuve a reçu mardi matin de l’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN) le rapport d’enquête administrative relative à la conduite des opérations de maintien de l’ordre dans le cadre du projet de barrage de Sivens (Tarn), qu’il avait demandé à la suite du décès de Rémi Fraisse. “Conformément à la démarche de vérité et de transparence à laquelle le Gouvernement s’est engagé, ce rapport a aussitôt été transmis à la justice pour être versé à la procédure judiciaire en cours” a t on indiqué au ministère. Le rapport a également été adressé, à sa demande, au Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, M. Jean-Jacques Urvoas.
Le rapport a été rendu public : en voici la conclusion
Confronté à une situation d’une violence croissante et à la conduite d’une mission de nuit face à des manifestants violents se tenant à courte distance, le commandant de la force publique a décidé de l’emploi de la force puis de l’usage des armes sur le fondement de l’article L211-9 alinéa 6 du CSI (voies de fait ou violences contre la force publique ou impossibilité de défendre autrement le terrain qu’elle occupe)22. En l’occurrence, les deux conditions étant réunies, le cadre juridique d’emploi de la force et d’usage des armes pendant les affrontements de la nuit du 25 au 26 octobre est conforme aux prescriptions légales et réglementaires .
et les principales déclarations.
La veille des affrontements qui ont entraîné la mort de Rémi Fraisse
Dès le 24 octobre, à 21h30, une première tentative d’intrusion d’opposants est
déjouée sur le site de stockage des engins de chantier dans l’enceinte de l’entreprise AGRI
2000 à Montans (17 km de Sivens). Cette tentative et celles qui suivront démontrent la
capacité des opposants à coordonner leurs actions sur une zone débordant largement celle
du site de Sivens sur tous les objectifs dont la destruction permettrait d’entraver ou d’arrêter
les travaux.
Dans la nuit du 24 au 25 octobre
Le 25 octobre à 00h11, le CORG 81 reçoit un appel au secours des vigiles qui sont
agressés physiquement par des manifestants radicaux par des jets de cailloux et de
bouteilles incendiaires. L’un des vigiles est blessé à la tête. Le commandant en second de la
compagnie de Gaillac, déjà sur le terrain pour une autre mission, se rend sur place avec 5
gendarmes de son PSIG. Dès leur arrivée, ils sont à leur tour pris à partie par des
manifestants radicaux qui s’emploient à la destruction des installations (grillage de la
deuxième enceinte, Algéco et groupe électrogène détruits)
150 manifestants armés de frondes et cocktails incendiaires
environ 150 manifestants radicaux équipés de protections
(casques, masques, boucliers) et qui emploient des projectiles de toutes sortes (cailloux
lancés à l’aide de frondes et de lance pierres puissants aux montants plantés en terre,
mortier artisanal, cocktails incendiaires). Pour se maintenir sur le site afin d’éviter sa prise
de contrôle par les radicaux, l’EGM 28/2 utilise cette nuit là 68 grenades CM6
lacrymogènes, 38 grenades F4 mixtes explosives/lacrymogènes, 17 grenades offensives et
27 cartouches pour lanceurs de balles de défense.
Le 25 octobre une grande manifestation autorisée est maintenue sur le site
En milieu d’après-midi du 25 octobre, le cortège des manifestants s’approche au
contact des forces de l’ordre qui protègent le site contrairement aux engagements pris par
les organisateurs de la manifestation.
à 16h25, environ 150 manifestants radicaux sont aperçus en train de
s’équiper dans les lisières boisées dominant la vallée à l’ouest et commencent à jeter des
pierres et des bouteilles incendiaires sur les fonctionnaires de la CRS 20
Premiers affrontements, les autorités de gendarmeries jugent que la procédure légale a été respectée
Comme en attestent les vidéos diffusées sur Internet, les forces de l’ordre
cherchent à maintenir à distance les manifestants pour éviter les affrontements. Leur
riposte est graduée selon le niveau des violences qu’elles subissent. Les enregistrements
prouvent qu’elles respectent la procédure fixée par la loi : après les sommations réalisées
par l’autorité habilitée, l’emploi des grenades lacrymogènes est commandé, puis celui des
mixtes lacrymogènes/explosives, et enfin des grenades offensives et tirs LBD. La
manœuvre est rendue complexe du fait de la tactique mise en œuvre par les manifestants
violents, consistant à s’abriter dans les rangs des manifestants non violents après leurs
assauts sur les forces de l’ordre.
Dans la nuit du drame
A partir de 00h25 (été), selon les témoignages recueillis, 50 à 70 manifestants
recommencent à envoyer des projectiles sur les forces de l’ordre, en profitant de l’obscurité
pour les lancer au plus près. Dans son audition, le commandant de l’EGM 28/2 indique que
le niveau de violence s’accroît très rapidement. Le commandant du GTG temporise aussi
longtemps que possible avant de faire les premiers avertissements, à 00h35, à l’aide du
public-adress d’un Irisbus. Conformément à la doctrine du MO, il retarde l’usage des armes
autant que le permettent la sécurité des gendarmes et sa capacité à tenir le terrain qui lui est
confié.
Tirs de grenades Lacrymogènes et offensives
A 00h49 (été), considérant l’escalade des moyens employés par les opposants
(cailloux puis cocktails incendiaires, fusées de détresse en tir tendu), le commandant du
GTG donne l’ordre de tirer les premières grenades lacrymogènes, et en rend compte au
CORG 81. Il constate rapidement que ces tirs ne permettent pas de repousser les opposants
qui se sont protégés contre ces gaz.
A 01h03 (été), sous la menace des projectiles divers lancés sur les GM,
conformément à la doctrine du M.O prescrivant le maintien à distance des manifestants
hostiles, il ordonne l’usage des grenades F4 (mixtes lacrymogènes/ effet de souffle) et
offensives (effet de souffle). Cette nuit là, l’EGM 28/2 tire 237 grenades lacrymogènes, 41
balles de défense, 38 grenades F4 et lance 23 grenades offensives.
La mort de Rémi Fraisse
Afin de repérer la position des manifestants, le MDC J utilise les jumelles I.L puis
les repose. Il adresse ensuite à haute voix un avertissement destiné aux manifestants puis il
lance sa grenade dans le secteur préalablement identifié et réputé inoccupé, par un
mouvement de lancer « en cloche19 » au dessus du grillage de 1,80m. Après la détonation,
le groupe de manifestants se disperse.
Dans son audition, le major commandant le peloton Charlie dit ne pas avoir suivi
visuellement la trajectoire de la grenade mais que, après la détonation, il aperçoit un
manifestant tomber au sol. Il n’est pas en mesure de faire la relation entre les deux
situations.
Les auditions des personnels du peloton Charlie indiquent qu’au bout de quelques
instants, un gendarme signale une masse sombre à terre sur le sol grisâtre. A l’aide d’une
lampe individuelle puis d’un projecteur portatif20 plus puissant, la personne allongée sur le
sol est repérée.
A 01h45 (été), le major en rend compte par radio au commandant d’EGM qui
charge aussitôt le peloton India d’aller chercher cette personne et de la ramener dans
l’emprise pour lui porter secours, conformément aux techniques enseignées qui imposent
de récupérer toute personne réputée en situation de danger.La personne est transportée dans un Irisbus, à l’abri des projectiles, où, à la
lumière du véhicule, elle est prise en compte par un secouriste de l’EGM qui lui prodigue
les premiers soins dont un massage cardiaque. Il est interrompu par la découverte d’une
plaie importante dans le haut du dos.A 01h53 (été), le commandant du GTG indique au CORG 81 que la personne
vient de décéder, qu’elle a été récupérée par le peloton d’intervention, et qu’il y a
concomitance avec un tir de LBD et un lancer de grenade offensive.
Photo CC BY-SA 4.0 / Davel4444 : zadistes sur le Sivens dans le Tarn